Le nombre de piscines privées à usage familial ne fait qu’augmenter au fil des années, elles étaient environ 30 mille en 2017. La piscine n’est plus considérée de nos jours comme un grand luxe lié exclusivement à une classe sociale aisée. Mais qu’en est-il des autorisations nécessaires avant la construction d’une piscine et des conditions à respecter ? De la taxe à payer ? Et surtout quel impact sur la gestion de l’eau en cette période de stress hydrique ?
Alors que le débat enfle autour des coupures d’eau et des statistiques qui donnent le tournis se rapportant au spectre du stress hydrique, le nombre de piscines privées à usage familial dans les villas ne fait qu’augmenter en Tunisie sans respect aucun des démarches qu’impose la construction d’une nouvelle piscine dont l’obtention d’une autorisation des autorités municipales.
De l’eau du robinet pour alimenter les piscines ?
En fait, au moment où l’eau se fait de plus en plus rare, la construction d’une piscine dans les villas échappe actuellement à tout contrôle. De plus, les caisses publiques de l’Etat sont privées de la rentrée des revenus de la taxe soumise aux propriétaires de maisons avec piscine. L’Etat est ainsi pénalisé sur le plan financier et en matière d’optimisation de la gestion de l’eau, puisque la majorité des villas ne sont pas pourvues de puits.
A ce propos, il est inquiétant de constater que certains propriétaires de villas utilisent l’eau de robinet pour la mise en eau de leur piscine. Selon les experts, pour une piscine de 8 m de longueur et 4 m de largeur et une profondeur de 1,50 m, vous avez besoin de 48 m3 (4800 litres) d’eau. On peut imaginer le dangereux impact de telles pratiques sur les ressources en eau dans notre pays. Certes, la mise en eau se fait une fois par an, mais il faut tenir compte du phénomène de l’évaporation de l’eau de piscine sous l’effet de la canicule, ce qui impose son alimentation en eau de manière périodique.
Même dans le Sud du pays, à l’île de Djerba à titre d’exemple, des propriétaires de villas avec piscine ont recours à de tels agissements sous prétexte que remplir la piscine avec de l’eau de puits ou de forage est fortement déconseillé. « L’eau de robinet est moins irritante et ne cause pas de démangeaisons », nous explique l’un des propriétaires d’une villa avec piscine à Djerba à cette occasion. Face au risque de la hausse du prix de la facture d’eau, ce dernier ne semble pas perturbé puisqu’il loue sa villa à raison de 500 dinars par jour aux familles tunisiennes qui prennent d’assaut l’île de rêve durant l’été. La même pratique est signalée aussi à Kélibia et d’autres régions côtières où la grande majorité des villas à proximité de la plage sont dotées de piscines.
Les bons exemples de récupération d’eau de pluie pour remplir les piscines ne manquent pas, mais elles sont rares dans notre pays. Les récupérateurs d’eau de pluie n’ont pas encore la cote chez nous et demeurent méconnus malgré la situation de stress hydrique par laquelle passe le pays.
L’autorisation est obligatoire, mais …
Selon une déclaration de l’ancien président de la Fédération nationale des communes tunisiennes, Adnene Bouassida, à notre journal, la construction d’une nouvelle piscine dans une villa est soumise à une autorisation et à des conditions de sécurité pour ne pas nuire aux voisins. La taxe varie selon la surface de la piscine et elle est, de ce fait, incluse dans la taxe d’habitation. L’ancien maire de la ville de Raoued nous rappelle à cet effet que les citoyens refusent en général de s’acquitter de la taxe d’habitation. Comment les convaincre alors de payer la taxe de la piscine dans ce cas, se demande-t-il. « Les citoyens appellent toujours à améliorer la voirie et d’autres services dans leur commune, mais refusent de s’acquitter de la taxe d’habitation ».
Contrairement à notre pays qui n’a pas été en mesure d’adopter l’article 30 du projet de loi de finances de 2017 relatif à la taxe de mille dinars sur la piscine privée, la chasse aux piscines non déclarées avait été un succès dans d’autres pays dans l’autre rive de la Méditerranée avec le recours à l’intelligence artificielle. En d’autres termes à l’analyse des images des satellites publiques. Une petite comparaison avec les déclarations d’impôt effectuées et le tour est joué. « Rien que pour l’année 2023, la direction générale des finances publiques en France avait épinglé environ 140 mille piscines non déclarées », relève un média français. On peut imaginer la grande somme d’argent récupérée à titre de taxe foncière. Dans ce même contexte, certains députés en Suisse ont déjà lancé l’idée de faire taxer l’eau de remplissage des piscines en raison de « période d’urgence climatique et de grande sécheresse ».
Un projet de taxe rejeté ?
C’est grâce à l’outil fiscal que les États peuvent mobiliser des ressources pour améliorer les services dans plusieurs domaines, sauf qu’en Tunisie les choses ne se passent pas comme on le souhaite, notamment quand il est question de s’acquitter de l’impôt, ce qui est en contradiction avec l’article 10 de la Constitution qui stipule que « l’acquittement de l’impôt et la contribution aux charges publiques, conformément à un système juste et équitable, constituent un devoir ». L’État met en place les mécanismes propres à garantir le recouvrement de l’impôt et la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, selon le même article.
Les députés de l’ARP (dissous) ont même donné le mauvais exemple et n’ont pas tenu compte de l’article en question. En effet, ils avaient rejeté en 2017 le projet de la taxe sur la piscine et ce, au moment où les recettes de l’Etat se réduisaient comme peau de chagrin et les dettes publiques augmentaient. Le contrôle des piscines privées dans les villas constitue une « violation de la vie privée des citoyens » avaient même allégué d’autres députés. Bien évidemment, certains députés et par le biais de leur refus de ce projet, ont fait fi de ce principe de justice fiscale qui avait constitué à cette époque un impératif économique.
A cette époque la ministre des Finances, Mme Sihem Boughdiri Nemsia. Avait beau expliquer que ce projet s’inscrivait dans le cadre des « tentatives menées par le gouvernement pour une nouvelle répartition de la charge fiscale, précisant que selon le recensement de la population le nombre de piscines s’élevait à 30 mille, ce qui permet à l’Etat de collecter 30 millions de dinars, mais ses explications sont tombées dans l’oreille d’un sourd.
Il est à signaler que la construction d’une piscine en béton dans notre pays varie de 25 mille à cent mille dinars selon les professionnels, sans compter le dispositif de sécurité (alarme, barrière et couverture) qui varie entre mille et 15 mille dinars. Est-ce trop demandé que de s’acquitter d’une modique somme en guise de taxe chaque année ?